samedi 28 avril 2007

Les républiques dynastiques: le cas égyptien



En Orient, les successions politiques se préparent longtemps à l’avance.
C’est justement ce qu’avait compris Hafez al-Assad, l’ancien président syrien et père de l’actuel : Bachar al-Assad. En cet été 1999, le monde se gaussait de cette « république dynastique ».
Hosni Moubarak, président égyptien depuis 1981 semblait avoir compris la leçon, et voulait tout faire pour présenter son fils cadet, Gamal Moubarak, comme un homme providentiel.
Seulement, il n’en est rien. Les deux protagonistes ont beau le nier, les faits sont là.

1/ Une apparente ouverture du système de succession
- Lors de la dernière élection présidentielle (septembre 2005), Hosni Moubarak avait promis une petite révolution : au lieu du traditionnel référendum à candidat unique, la prochaine présidentielle sera multipartite et au suffrage universel direct.
- Pourtant, l’opposition, dont les activités sont contrôlées et limitées, n’a aucune chance. D’autant que les conditions de candidature, très restrictives, empêchent que tout rival sérieux puisse se présenter.

2/ Un rapprochement excessif du pouvoir
Mais la population n’est pas dupe. Dans toute l’Egypte retentie en période électorale, le slogan : « Kifaya ! (« ça suffit ! », ndlr). Non à la prolongation, non au pouvoir héréditaire ! ».
-En effet, le 26 mars 2007, la population était appelée aux urnes pour réformer la constitution. Or, les amendements déjà adoptés par le Parlement ont scandalisé l’opposition et l’opinion internationale, qui y voient verrouillage du système au profit d'une passation de pouvoir sans heurts à Gamal.
- Par ailleurs, Gamal n’a eu de cesse ces dernières années, de se rapprocher du pouvoir. A l’origine banquier, l’homme a su se hisser (non sans aide !) jusqu’à la troisième place du pays : le secrétariat général du comité politique du Parti national démocratique (parti du Président).
En 2004, le gouvernement du premier ministre Ahmed Nazif prendra sera même surnommé le « cabinet Gamal », du fait de l’arrivée massive de 17 jeunes ministres proches de lui.
En outre, ce fils cadet se forge une figure internationale, en apparaissant de plus en plus dans les délégations et en se présentant comme le nouvel ambassadeur de l’Egypte.

3/ Position américaine
- Lors de son voyage aux Etats-Unis en mai 2006, le fils du président a été reçu par le gratin de l'exécutif : le conseiller à la sécurité nationale Stephen Hadley, le vice-président Dick Cheney et le secrétaire d'État Condoleezza Rice. Pour couronner le tout, il a été salué par le président lui-même.
- La rencontre avec Bush indique bien que Gamal représentait son père. Le président américain voulait probablement transmettre un message à son homologue égyptien, au sujet de la répression des manifestations de la société civile et de l'embastillement de l'ancien candidat à la présidence, Ayman Nour, dont Condoleezza Rice avait déjà demandé la libération lors d'une précédente incarcération.
La Maison-Blanche est préoccupée par le mauvais départ du cinquième et sans doute dernier mandat de son principal allié dans le monde arabe. Bush doit faire face à une offensive anti-Moubarak au sein de son propre parti.
- Depuis longtemps, George W. Bush s'était bien gardé de recevoir «Monsieur fils», craignant de conforter sa stature d'héritier. Dans l'optique du projet «Grand Moyen-Orient» des États-Unis, destiné à apporter la démocratie dans la région, il n'était pas question d'avoir l'air d'entériner des velléités dynastiques. «La rencontre avec le président des États-Unis ressemble à une tentative de remettre Gamal en selle, analyse Sophie Pommier, consultant spécialiste de l'Égypte, et ce, à un moment où il était affaibli.»
La Maison-Blanche, inquiète du succès des islamistes égyptiens (les Frères musulmans) aux dernières élections, reviendrait à une politique plus classique de soutien au pouvoir en place. Gamal Moubarak a besoin de cette légitimation.

Cette probable succession familiale, assez classique au Moyen-Orient, révèle encore une fois la fragilité de la démocratie dans la région et le risque permanent d’implosion des régimes en place.


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