dimanche 25 février 2007

"Arc chiite" : fiction ou réalité ?




Selon une théorie très américaine, il existerait parmi les axes de radicalisation au Moyen-Orient, un « arc chiite », s’étendant du Liban à l’Iran, en passant par la Syrie et l’Irak.
Le ministre français des affaires étrangères, M. Douste-Blazy, parle de même d’un « croissant chiite avec ses composantes arabes et persanes » (cf Des affaires pas si étrangères chez Odile Jacob).
Mais pour qu’il existe un véritable arc, encore faut-il qu’il soit continu et uni.

1/ Un arc morcelé
Alors qu’il est incontestable que l’Irak et l’Iran sont très majoritairement chiites, et le Liban, en grande partie, il n’en est pas forcément de même en Syrie.


En effet, dès l’arrivée au pouvoir en 1963 des Alaouites (constituant le parti Baas) en Syrie, renversant une majorité sunnite ancestrale, beaucoup chez les Occidentaux y ont vu une réelle prise de pouvoir chiite.


Or les Alaouites sont issus d’une séparation avec le chiisme traditionnel, au niveau du 7ème imam (le 1er étant ‘Alî, le cousin du prophète).
(De même deux autres divisions viendront créer deux communautés de plus, distinctes des chiites Duodécimains : les Ismaéliens et les Druzes.)
Pour les sunnites et autres chiites, les alaouites ne sont pas musulmans (car emplis de conceptions païennes). Ce rejet des autres communautés musulmanes s’est notamment traduit par les violentes émeutes subséquentes à l’arrivée au pouvoir des alaouites en Syrie. Devant les pressions populaires, le Président syrien a même dû inscrire dans la Constitution que le Président devait être musulman.


Ainsi, il est superflu de considérer que le pouvoir syrien puisse faire parti d’une « alliance chiite » au Moyen-Orient, d’où un morcèlement du soi-disant arc chiite.


2/ Un arc désuni
Comme le disait Ibn Khaldum : « les Arabes ne s’entendent que sur une seule chose : ne jamais s’entendre ».
En effet, le monde arabe aujourd’hui est totalement divisé. Alors qu’à l’époque du nassérisme, on avait espéré pouvoir parvenir à un noyau d’unité entre l’Egypte, la Syrie et l’Irak, tous ces espoirs sont partis en fumée. La guerre Irak/Iran et la 1ère guerre du golfe ont achevé cette évolution.


Il semble ainsi que la seule unité actuelle soit celle du nationalisme arabe dans un cadre pluri étatique : les clivages religieux laissent la place à un fort sentiment d’identité national.
Cette considération fut notamment présente au cours de la guerre Irak/Iran. Les deux Etats sont tous deux majoritairement chiites, pourtant, ils se sont livrés une guerre sanglante.
Depuis, d’ailleurs, les Iraniens adoptent une posture de défense du territoire national : « le nationalisme perse ». Ils ont dès lors abandonné toute idée d’exporter leur Révolution à l’étranger et de créer un axe chiite au Moyen-Orient. En effet, après avoir soutenus les chiites de Bahreïn, ils les ont délaissé, tout comme les Hazaras (chiites Afghans). Il convient tout de même de noter l’exception du Hezbollah (mouvement chiite libanais).

Ainsi, un axe chiite est impossible au Moyen-Orient, la conception nationaliste dépassant les clivages religieux.
Mais ceci est moins vrai aujourd’hui, puisque Al Qaïda essaye de plus en plus de favoriser la ligne de fracture chiite/sunnite. Que ce soit au Liban ou en Irak, la guerre civile tend à rapprocher les mouvements chiites et à favoriser un réseau transnational.

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