samedi 17 mars 2007

Iran : une mutation démocratique?


Contrairement à une idée reçue, l’Iran n’est pas une véritable dictature ! Il repose sur un régime d’essence théocratique depuis la Révolution islamique de 1979, d’où son nom de « République islamique d’Iran ».
Mais toute la contradiction de ce système repose sur cette volonté d’avoir un régime théocratique qui serait une République.
Alors que la période Khatami fut marquée par une large ouverture, la période Ahmadinejad se caractérise plutôt comme une nette régression.

1/ La mutation des nouvelles générations
Les jeunes générations valorisent beaucoup plus les valeurs occidentales, dans la vie quotidienne, au détriment des valeurs religieuses.
De nos jours, la politique du président Mahmoud Ahmadinejad est de plus en plus contestée par des phénomènes répétitifs de manifestation, souvent organisés par la jeunesse.
Ainsi, certaines pratiques de la République remettent en cause les valeurs traditionnelles :
- Politique nataliste : actuellement, trois iraniens sur quatre ont moins de 35 ans et la moitié de la population a moins de 24 ans. Toute une partie n’a donc pas connu la Révolution islamique de 1979.
- Education : développement d’une politique d’alphabétisation, gratuité de l’enseignement primaire et secondaire. Lors de la Révolution islamique, les étudiants n’étaient que 175000 ; désormais, ils sont plus d’un million 500 mille.
- Internet : (1994 : 250 internautes ; 2003 : 2 millions 500 mille)
- Antennes paraboliques : malgré l’interdiction qui en est faite en Iran, 43% des Iraniens regarderaient la télévision par satellite.
Toutes ces pratiques sont des indicateurs de cette soif d’ouverture vers le monde, qui a évidemment de lourdes conséquences au niveau politique.

En revanche, même si beaucoup contestent les prises de position d’Ahmadinejad, le peuple est uni derrière son président sur la question du nucléaire. Ceci est notamment perceptible dans la population, suite à l’impression de billets de Banque portant une connotation au nucléaire (atome au verso).

2/ L’évolution de la question des femmes et de l’éducation
Sous le Shah, il était interdit de porter le voile à l’université, d’où un refus massif des familles d’y envoyer les femmes.
A l’heure actuelle, plus de la moitié des étudiants sont des femmes. En effet, celles-ci sont les grandes gagnantes de la politique d’éducation.
L’ambiance dans l’éducation est beaucoup plus décontractée. A l’université de Téhéran, par exemple, les étudiantes respectent le port du voile, sans pour autant renoncer à leur féminité… ni à la fréquentation du sexe opposé. D’où une étrange conjugaison voile/jeans/maquillage.

Ainsi, la situation des femmes iraniennes est bien moins mauvaise que leurs voisines. Elles bénéficient en effet d’un droit de vote, du droit de travailler, et du droit à l’éducation.
Cependant, l’égalité n’est pas encore à l’ordre du jour.

3/ La question de la liberté d’expression
Outre le phénomène croissant de manifestations de la jeunesse contre la politique du président, des courants doctrinaux et politiques peuvent eux aussi se développer sans craindre une quelconque répression. Ce qui peut sembler assez exceptionnel dans cette partie du monde.
En effet, de très nombreux débats courent depuis quelques années sur la nature du régime.
- Certains, tel le philosophe Soroush, essayent de faire une synthèse pour doter l’Iran d’une démocratie islamique, s’opposant ainsi à la dynamique actuelle du système iranien.
- D’autres, tel le Mollah Montazeri, mettent en doute la légitimité des mollahs, et les qualités du Guide de la Révolution (Khamenei).
Ces intellectuels remettent en cause la base fondamentale de l’imbrication du religieux et du politique. Ils ne prononcent pas le mot « laïcité », mais l’idée est la même.
La théorie du « velayat e-faquih » (théorie du « gouvernement du docteur de la foi ») est notamment très critiquée. Elaborée par Khomeni, elle pose comme fondement que le religieux doit avoir le premier et le dernier mot sur la question des affaires de la cité. Il y aurait donc un système bicéphale : le Président et le Guide.

La qualité de ces débats ne se retrouve nulle part ailleurs. La Révolution a permis paradoxalement à ces idées de s’exprimer.

Proverbe iranien : "Si l’on peut défaire le nœud avec les doigts, pourquoi y mettre les dents ?"



1 commentaire:

Regard sur les Etats-Unis a dit…

En effet, contrairement à ce que prétendent les médias occidentaux, le président de la République Islamique Ahmadinejad ne détient pas le pouvoir absolu. Le président exerce certaines fonctions de chef de l'Etat (signature des traités...) Il est également le chef du gouvernement. Mais le Guide Suprême de la Révolution Ali Khamenei a un pouvoir bien plus puissant que le président : il a autorité directe sur les Pasdarans (gardiens de la révolution, force armée contrôlant des intérêts économiques), sur l'armée, la police, la télévision, la radio. Il est consulté pour de nombreuses nominations de fonctionnaires par le président. Aucune décision importante est prise sans son accord. C'est également un guide religieux qui dispose d'une puissance considérable et joue un rôle clé dans l'économie Iranienne.

Comme quoi, contrairement aux idées reçues, l'Iran n'est pas une dictature. Les pouvoirs sont contre-balançés.